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Les pratiques concrètes d’une entreprise agile

Richard Fontaine

On parle et on écrit beaucoup sur l’entreprise agile, mais on reste souvent au niveau des principes. Le but de cet article est de donner des repères plus précis en décrivant quelles sont les pratiques concrètes d’une entreprise agile. Et cela pour l’ensemble de ses modes de fonctionnement.

Définition de l’entreprise agile

Tout d’abord, quelle est la définition d’une entreprise agile ? 

Une entreprise agile est capable de s’adapter rapidement à des changements inattendus de son environnement, en conservant une continuité stratégique, opérationnelle et humaine.

Dans cette définition, la continuité est importante, car elle permet de ne pas confondre « agilité » et « réactivité ». Une entreprise uniquement « réactive » peut certes réagir; mais sur le court terme et souvent au détriment du long terme, et en déstabilisant son personnel.

Périmètre et entreprises concernées

Pour devenir agile, une entreprise doit mettre en œuvre des pratiques spécifiques dans l’ensemble de son organisation. L’« agilité » de ces pratiques est une caractéristique importante d’une grande partie des pratiques décrites dans le Lean management ou dans les modèles d’Excellence opérationnelle. Nous allons décrire ces pratiques par rapport à un modèle d’organisation comprenant six domaines :

  • Sa stratégie
  • Le pilotage de sa performance (objectifs, indicateurs, réunions de management…)
  • Son système d’innovation et d’amélioration
  • Sa structure d’organisation en y incluant les rôles et responsabilités
  • Ses processus et outils
  • Son personnel et sa culture

Les entreprises concernées par ces pratiques sont celles qui ne sont déjà plus tout à fait à « taille humaine » car une entreprise de petite taille est presque naturellement agile. La taille limite est assez variable mais cela peut commencer dès une trentaine d’employés.

Stratégie d'entreprise

Oui, la stratégie, qui est par essence un domaine avec un horizon de temps long, peut être agile.

L’environnement de l’entreprise change, ses concurrents évoluent et de nouveaux apparaissent. Donc, la stratégie doit s’adapter.

Une entreprise agile se différencie d’une autre par une revue de la stratégie « intégrée » au système normal de gestion de l’entreprise :

  • la plupart des informations nécessaires à l’élaboration et à la revue de la stratégie sont déjà collectées naturellement
  • le processus de revue est déjà défini
  • Il ne faudra pas ainsi créer un système ad-hoc ou des « task force », ou chambouler l’emploi du temps des personnes impliquées pour faire cette revue.

Par ailleurs, le processus de revue se fait par partie, avec certains éléments qui peuvent être revus trimestriellement, d’autres semestriellement…Ainsi, il n’y a pas à tout revoir d’un coup au moment de la revue, ce qui générerait une charge importante.

Pilotage de la performance

C’est le domaine qui a le plus de critères d’agilité, car le pilotage de la performance est comme la centrale de commande de l’entreprise. Il doit permettre d’avoir les bonnes informations et de décider le plus rapidement possible. Pour cela, nous avons dénombré au moins 6 facteurs importants.

Les indicateurs doivent comporter des indicateurs dits « avancés ». Ceux-ci mesurent la performance des processus ou des éléments qui vont influer sur le résultat final (indicateur retardé); le management peut agir sur eux au plus tôt. 

Les indicateurs doivent être déclinés, ou cascadés, entre les niveaux hiérarchiques supérieurs et inférieurs. Chaque niveau est responsabilisé sur ce qu’il maîtrise et peut agir rapidement.

Lorsque possible, il faut pouvoir utiliser des méthodes « prédictives » ; on peut citer le contrôle statistique qui va pouvoir anticiper les dérives d’un processus. Le développement de l’intelligence artificielle va augmenter les possibilités de prédiction et il faudra les utiliser de plus en plus.

La revue des performances, indicateurs ou actions doit se faire sur des intervalles courts. Il vaut mieux des revues ou des réunions fréquentes et courtes, que des revues longues et peu fréquentes. Ainsi, en environnement de production de grande série, on revoit certaines mesures toutes les heures ; en centre d’appel cela peut-être toutes les demi-journées.

L’utilisation du management visuel doit être le plus répandu possible. Dans toutes les fonctions de l’entreprise et pas uniquement en production : tableaux de bords affichés sur le lieu de travail (et non pas en salle de réunion distante), alarmes sonores ou visuelles… Les personnels opérationnels voient plus tôt ce qui se passe, comprennent le contexte plus large et prennent mieux leurs responsabilités. 

De même, le management doit aller sur le terrain pour rencontrer leurs équipes, discuter avec elles et comprendre leur environnement de travail. En langage Lean, on appelle cette pratique le « Gemba Walk ». Comme les managers sont proches du terrain et qu’ils le comprennent, ils prendront des décisions plus rapides et meilleures…ou feront plus confiance à leurs équipes pour qu’elles les prennent.

Structure d’organisation 

L’entreprise agile doit adopter une structure la plus plate possible pour diminuer le nombre de niveaux hiérarchiques. Cela permet d'accélérer la prise de décision. Néanmoins, elle ne doit pas être trop plate. Sinon les managers auront des responsabilités trop importantes sur des périmètres trop larges avec plusieurs conséquences possibles :

  • ils deviendront alors des goulots d’étranglement dans les décisions
  • les décisions seront prises dans un système « parallèle » (par d’autres personnes que celles réellement en charge) créant de la confusion
  • ils seront surmenés

Les rôles et responsabilités doivent être définis de manière formelle et documentée. Et de préférence avec une méthode standard de type RACI (responsable, acteur, consulté, informé). Cela peut paraître paradoxal en donnant l’impression de créer de la lourdeur administrative de documentation. Dans le cas contraire, les risques de confusion et de déresponsabilisation sont très importants. Ce qui, finalement, va retarder les décisions, ou faire prendre les mauvaises décisions.

Processus et outils

De même que pour les rôles et responsabilités, les processus doivent être formellement définis. Néanmoins, ils ne doivent pas tenter de répondre à tous les cas et toutes les situations pour ne pas créer des « usines à gaz » et réellement faire de l’administratif. En revanche, ils doivent définir les critères de décisions et le processus d’escalade / arbitrage dans les cas non standards.

Système d’innovation et d’amélioration

L’entreprise agile doit avoir mis en place une culture, des systèmes et des processus propices à l’innovation et à l’amélioration. Plusieurs pratiques sont importantes :

  • L’échange de bonnes pratiques ou de savoir-faire entre équipes, avec l’utilisation de forums (physiques ou électroniques), de journées portes-ouvertes, de groupes de compétences, de formations données par du personnel interne
  • L’échange avec l’extérieur pour identifier de nouvelles idées ou méthodes : en assistant à des conférences ciblées, en invitant des intervenants extérieurs, en échangeant avec des partenaires ou fournisseurs…
  • La recherche de l’amélioration à plusieurs niveaux : 
    • au quotidien à travers des pratiques d’analyse des causes et de résolution de problèmes
    • en continu, ce qui est presque devenu une norme dans les entreprises
    • « transformationnel », en menant régulièrement des changements plus importants avec une nécessité d’adopter des approches de gestion de projet et du changement

Personnel et culture agile

Le personnel doit bien entendu être bien formé. Surtout, l’entreprise agile doit avoir un niveau de polyvalence important lui permettant de s’adapter à des situations différentes. La polyvalence joue à la fois directement sur la capacité d’un employé à changer de poste, et indirectement sur sa faculté d’adaptation pour prendre un rôle nouveau, si besoin. 

De même, l’entreprise doit savoir utiliser de la sous-traitance pour adapter plus rapidement sa capacité ; néanmoins, elle doit avoir bien identifié les compétences dont elle a besoin en interne pour ne pas devenir prisonnier de sa sous-traitance.

En termes de formation, les techniques de micro-formation, relativement nouvelles, permettent une acquisition souvent plus rapide, pérenne et ciblée que les techniques traditionnelles.

La culture d’entreprise est déterminante pour l’agilité; elle doit valoriser l’autonomie ou la responsabilisation, le droit à l’erreur, voire la prise de risque. Néanmoins, pour cette dernière, cela est applicable dans des industries ou des domaines où le risque n’est pas dommageable pour la sécurité des employés ou des clients).

Le management doit associer les employés aux décisions et actions concernant les modes de fonctionnement de l’entreprise, y compris dans la déclinaison de la stratégie et la définition de la culture d’entreprise. Finalement, quelques soient les processus ou systèmes mis en œuvre, ce sont les hommes et les femmes de l’entreprise qui lui permettent d'être agile. C’est lorsqu’ils se sentent impliqués et qu’ils sont motivés qu’ils font le nécessaire pour l’entreprise

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A propos de l'auteur

Richard Fontaine

Après 20 ans passé dans des grands cabinets de conseil en management j'ai créé Wevalgo pour aider mes clients à définir et mettre en œuvre les meilleures pratiques opérationnelles de management, et à les mesurer pour piloter l’amélioration.
Nous allions l'expertise de nos consultants à des solutions innovantes de diagnostic et de mesure de l'Excellence Opérationnelle.

  • Sébastien Bonnefoy dit :

    J’ai une question concernant l’utilisation du RACI. De mon expérience, à l’échelle d’une équipe, ça a tendance à siloter, en créant une culture qui laisse peu de place a l’auto organisation. « Si quelqu’un est responsable d’un sujet, pourquoi je prendrais une tâche qui s’y rapporte. ».
    Qu’est ce que j’ai manqué ? Et comment utilisez vos cet outils pour éviter ce biais ?

    • Bonjour, question intéressante car vous citez un risque qui est souvent mentionné pour le RACI. Plusieurs éléments de réponse.
      D’abord, le RACI en lui même :
      – Il permet surtout de clarifier les rôles; si personne ne sait qui fait quoi, ou encore pire si on croit que c’est quelqu’un d’autre il peut non seulement y avoir silo, mais aussi conflit.
      – C’est son contenu qui est important. Dans le cas que vous citez, lorsque quelqu’un est Responsable (R), d’autres peuvent être Acteurs (A) ou consultés (C); et donc la tâche est « prise ». Ou alors c’est au Responsable de s’assurer que quelqu’un la réalise (ce qui est le premier rôle d’une responsable)
      – Une définition des rôles et responsabilités suivant un processus transverse (et non pas au sein uniquement d’un service ou département de l’entreprise) peut réduire le Silo
      – Il doit être constamment en phase avec la réalité quotidienne et faire l’objet d’une amélioration continue

      Ensuite, le RACI ne fait pas tout. L’effet silo est réduit quand :
      – il existe une culture qui encourage à la fois la coopération ( ou travail d’équipe) et la prise d’initiative (si par exemple la responsabilité ou les acteurs pour réaliser une tâche ne sont pas définis, alors quelqu’un doit pouvoir la réaliser)
      – il existe des indicateurs partagés (bien qu’il en faille aussi des individuels)

      J’espère que cela vous aide.

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