Chat GPT remplace mon Scrum Master !

Florent Lothon

C’est l’anniversaire de Scrum  🎉

Et par n’importe lequel : Scrum fête officiellement ses 30 ans, montrant à ses détracteurs qu’il relève bien plus de la lame de fond que de l’effet de mode.

D’une seule équipe qui fait une expérience, à des millions de personnes qui l’utilisent chaque jour, la rétrospective de Scrum est riche en enseignements.

A cette occasion - et c’est assez rare pour être souligné -  le co-créateur de Scrum, Jeff Sutherland a pris la parole. Il m’a formé (il y a déjà 17 ans!!) et  je reste toujours en phase avec sa vision. Il est assez âgé maintenant, alors je ne perds pas une occasion de l’écouter. 

Si vous n’avez pas eu l’occasion de participer à sa conférence, en voici les éléments que j’en retiens.

Bilan de 30 ans de Scrum

Rétrospective de 30 ans  : Scrum est né par empirisme… et nous invite à être dans cet état d’esprit chaque jour.

En 1993 dans le Massachusset, une équipe dans une entreprise de Logiciel informatique démarre une expérience avec : 

  • 1 sprint : 1 mois à l’époque, la durée sera affinée plus tard car ils se rendront compte que c’est trop long ;
  • 1 équipe : elle sera complétée plus tard par l’ajout de compétences, via des recrutements d’ingénieurs de la concurrence ;
  • 1 objectif : créer un logiciel nouvelle génération pour maintenir le leadership de l’entreprise  face à la montée fulgurante de la concurrence dans le contexte d’explosion du secteur informatique de l’époque.

Ce qui m’a marqué dans cette expérience c’est que l’équipe, pourtant sous forte pression, prenait tout de même le temps de travailler sur la productivité : 

  • 50% du temps de travail était consacré à la création du produit, 
  • et 50% à la productivité.

Ainsi chaque matin l’équipe lisait une étude ou un article (par ex sur le système Toyota ou un article d’universitaire, etc.), testait dans la journée et en  faisait une rétrospective le soir. Un jour, ils ont lu un article sur l'équipe de Borland, à l’époque la meilleure équipe de développement au monde, et de loin la plus rapide. Il se sont demandé “Que fait cette équipe que nous ne faisons pas ?” Réponse :” un daily meeting !” Chaque matin, l’équipe de Borland se réunissait pour voir quoi faire aujourd’hui pour faire "bouger le système" et délivrer plus vite. Ils ont donc repris cette pratique, qui fait aujourd’hui partie intégrante de Scrum.

C’est à la fin  de 1993 que l’organisation de travail de cette première équipe fut baptisée “Scrum”. Ce cadre de travail s’est depuis développé dans tous les secteurs d’activité, de l’industrie à la finance.

Mon avis sur ce retour d’expérience : la genèse de Scrum, qui s’est enrichi peu à peu en expérimentant et en gardant ce qui fonctionne et en enlevant tout ce qui est un obstacle à la productivité est typiquement agile ! 

Cela nous invite à nous recentrer sur la “Sauce secrète” de Scrum, car c’est ce qui apporte réellement des résultats : qu’est ce que je dois bouger dans le système pour délivrer plus vite ? Cette réflexion, dans laquelle toute l’équipe regarde comment elle travaille et comment elle peut l'améliorer, est essentielle. On ne fait pas un daily meeting pour faire un reporting de tâches mais bien pour identifier l’action la plus pertinente à réaliser dans la journée pour atteindre l’objectif.

Et pour l'anecdote, 30 ans plus tard, le produit - réalisé par cette première équipe pionnière de Scrum - est toujours utilisé. Mieux que ça, il est encore aujourd'hui considéré comme l'un des meilleurs !

Et pour l’avenir ? Chat GPT remplace mon Scrum Master ?

Là encore pour esquisser l’avenir, et entrevoir la place de l’IA dans le travail d’équipe,  Jeff Sutherland (et JJ Sutherland, son fils qui reprend le flambeau) nous propose de faire… du Scrum ! Tout comme à l’époque ils ont regardé les meilleures équipes du monde, ils ont regardé aujourd’hui comment les meilleurs joueurs d’échecs intégraient les machines dans les compétitions qui autorisent les parties humains / ordinateurs. Il en ressort que les grands gagnants ne sont ni les humains seuls contre les machines, ni les machines seules contre les humains mais les équipes humaines qui intègrent les machines comme membre d’équipe. Fort de ce constat, avec plusieurs équipes, Jeff Sutherland expérimente aujourd’hui d’avoir Chat GPT comme membre d’équipe Scrum

Partant du constat qu’il y a des choses que les humains font mieux que les machines et des choses que les machines font mieux que les humains, la réflexion est la même que celle de la toute première équipe Scrum qui se demandait “que fait Borland mieux que nous”. Actualisée, cette réflexion devient “que font les machines mieux que nous et comment ça pourrait nous aider ?”. Dans leur équipe test, la réponse à cette question est : les machines sont plus fortes que nous pour analyser des millions de lignes de code informatique. Ils ont donc mis plusieurs années de code informatique dans ChatGPT qui l’a analysé et dit quelle était la meilleure chose à faire tout de suite. Dans cet exemple l’IA aide l’équipe à être encore plus cross fonctionnelle en y ajoutant une compétence (ici l'analyse de millions de lignes de code).

Si vous êtes familier des logiciels, vous connaissez le “Machine Learning”, c’est à dire la façon dont une machine devient performante. Par exemple Google, pour optimiser ses publicités va avoir une période initiale de machine learning : elle lance la pub sur une audience pré définie avec plusieurs textes et images, puis l’adapte en fonction des clics et statistiques recueillies pour se recentrer sur le combo audience + texte + image qui marche le mieux. 

Le machine Learning est un process itératif qui fonctionne très bien avec Scrum, lui même itératif. Les interactions de l'équipe Scrum avec la machine vont influencer cette dernière pour la pousser vers les valeurs agiles et ainsi rendre les machines “human centric” et baisser ainsi le risque associé à l’IA. L’objet de cet article n’est pas de rentrer dans le débat du risque lié à l’IA, il y a des personnes mieux placées que moi pour en parler. Mais il m’a paru intéressant de vous relater ce test en cours. Cela pourrait bien devenir notre réalité quotidienne d’ici peu, alors soyons prêts.

Mon avis sur cette conférence : outre la surprise créée par cette expérience sur l’IA comme membre d’équipe Scrum (je ne m’y attendais pas !!), j’en retiens toujours ce même message central, un piège que je rencontre souvent dans les équipes que j’accompagne : faire du Scrum pour faire du Scrum plutôt que délivrer de la valeur ! Le piège ultime que je vous invite à éviter à tout prix 😉

Pour aller plus loin : article "Futur Agile : comment intégrer l’IA dans les équipes Scrum ?".


Photo de Mohamed Nohassi sur Unsplash

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A propos de l'auteur

Florent Lothon

Expert de terrain en gestion de projet et management d'équipe. Florent fait partie des pionniers dans l'usage des méthodes agiles sur des projets à forts enjeux en France dès 2007. Co-auteur du livre "Devenir une Entreprise Agile".

  • Stéphane dit :

    Super article et inspirant ! Quelle bonne idée de l’équipe de Jeff Sutherland d’expérimenter l’AI comme membre de l’équipe Scrum à part entière. Y aura-t-il un nouvel rôle pour l’IA ou adoptera t-il le rôle de développeur (ou data scientist) ?

    • Merci pour ton retour Stéphane 😉
      Le rôle de Développeur couvrant un spectre très large de compétences (pas juste « coder » et pas uniquement sur le secteur du logiciel), on serait plutôt sur le rôle de Développeur en tant que rôle à part entière. Et en tant qu’assistant, l’IA peut assister aussi bien les Développeurs que le Scrum Master ou Product Owner.

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