Holacratie en pratique

Florent Lothon

Dans un premier article, nous avons posé le décor en guise d'introduction à cette innovation managériale et organisationnelle qu'est l'Holacratie. En abordant les questions de son origine, sa définition, son positionnement par rapport aux méthodes agiles, et surtout par rapport au rôle de manager. Il est temps maintenant d'aborder son fonctionnement concret dans ce second article.

Préambule

Avant de plonger en Holacracy, je tiens à préciser qu'il faut considérer Holacracy comme une technologie à part entière avec la complexité que cela peut impliquer. Une technologie, certes "organisationnelle" - et encore c'est réducteur - mais une technologie quand même. Décrire clairement Holacracy et de façon suffisamment exhaustive pour en saisir tout le potentiel, tout en restant synthétique est un véritable challenge. Pour vous aider à saisir ce que change Holacracy au quotidien, j'ai fait le choix de nous mettre dans la peau d'une personne évoluant dans une entité fonctionnant en Holacracy. J'espère avoir réussi ce challenge. En guise d'illustration et afin de donner du corps à cet article, j'ai utilisé des captures d'écran d'un des logiciels du marché associé à la pratique d'Holacracy au quotidien.

Nous allons donc suivre Miriam qui appartient à l'entreprise d'édition de logiciel Dream Software (société fictive) fonctionnant en Holacracy. Mais avant, j'ai encore un minimum d'explications à vous transmettre sur les fondamentaux d'Holacracy

Fondamentaux d'Holacratie

En quoi consiste l'holacratie en quelques mots ?

L'Holacracy consiste à distribuer l’autorité et le leadership généralement centralisé par le management afin de démultiplier l’impact de chacun sur les objectifs de l’organisation et l’amélioration continue de cette dernière. Le tout guidé par sa « raison d’être ». Une raison d'être qui sert d’étoile du nord et de « challenge collectif ». Cette innovation modifie en profondeur l’environnement de travail pour favoriser cette distribution de l’autorité et du leadership qui va souvent de pair avec le développement des collaborateurs. Des collaborateurs d’autant plus investis dans des rôles précis et régulièrement ajustés. Les rôles étant eux même investis d’une raison d’être déclinée de la raison d’être de l’organisation. Ce qui contribue à donner du sens au travail de chacun, libérer les énergies et les potentiels, et optimiser le niveau d’engagement.

Les rôles et les cercles

Une organisation fonctionnant en Holacracy, est constituée de cercles rassemblant différents rôles incarnés par des personnes. Un cercle peut contenir des sous-cercles qui peuvent eux même contenir des sous-cercles jusqu'à l'infini (c'est fractal). Et petite subtilité importante : un sous-cercle, d'un point de vue du cercle "parent" est considéré comme un rôle à part entière.

Qu'est ce qu'un rôle Holacratie ?

Un « Rôle » est une entité organisationnelle dotée d’un nom descriptif et d’une ou plusieurs caractéristiques suivantes :  

  • La fameuse « Raison d’Être » déjà évoquée, qui désigne une capacité, un potentiel ou un but inaccessible que le Rôle va poursuivre ou manifester au nom de l’Organisation.
  • Un ou plusieurs « Domaines », qui sont des choses que le Rôle est le seul à pouvoir contrôler et réglementer comme sa propriété, au nom de l’Organisation.
  • Une ou plusieurs « Redevabilités », qui désignent des activités dans la durée de l’Organisation que le Rôle va mettre en œuvre.

Voyage en Holacratie

Maintenant que les fondamentaux sont posés, nous pouvons démarrer notre voyage en Holacracy aux côtés de Miriam.

Miriam, comme la majorité des employés de l'entreprise, incarne différents rôles dans l'organisation. Le rôle "OnBoarding" par exemple, qui a pour raison d'être "Chaque nouvel arrivant est accompagné et opérationnel dans les meilleurs délais".  

Cette raison d'être contribue à donner du sens à son travail et à guider ses initiatives. Elle a toute autorité dans l'exercice de ses rôles. Personne n'a à lui dire comment les incarner. Et si elle en éprouve le besoin, elle peut bien sûr demander conseil ou prendre du recul auprès d'autres membres de l'organisation en utilisant une "dose" d'intelligence collective

Exemple d'organisation Holacracy (société fictive Dream Software)

Exemple d'organisation Holacracy (société fictive Dream Software)

Elle incarne également le rôle "Captain Ergo" dont la raison d'être consiste à "Offrir la meilleur expérience possible aux utilisateurs de nos solutions logicielles". À ce rôle, est également associé une redevabilité, autrement dit, quelque chose que les autres rôles peuvent exiger de ce rôle. La redevabilité en question est "Fournir les maquettes d'écran avant la planification de sprint". Un rôle peut avoir plusieurs redevabilités.

En ce moment, Miriam travaille sur un projet. Dans le vocabulaire Holacracy, on utilise le terme "projet" à partir du moment où un résultat attendu dépend de la réalisation de plusieurs actions. Hier elle a éprouvé une tension en constatant que les choses auraient pu mieux se dérouler sur son projet. Autrement dit, un écart entre ce qui s'est passé et ce qui aurait pu se passer si on était mieux organisé ou si on s'y était pris différemment. Elle a donc noté sa tension dans son carnet à tensions afin de la "traiter" lors de la prochaine réunion consacrée au traitement des sujets opérationnels. La réunion de triage. Cette réunion a lieu toutes les semaines, dure une heure et est animée par le rôle "Facilitateur" (rôle défini quant à lui par Holacracy et élu par les membres du cercle).

Réunion de triage

Ça y est c'est l'heure de la réunion de triage qui commence par un tour d'inclusion lancé par le rôle "Facilitateur". Cette étape consiste à faire en sorte que chacun puisse s'exprimer sur son degré de disponibilité et de concentration sur la réunion ou encore évoquer d'éventuelles contraintes horaires. Lorsque c'est son tour de s'exprimer, Miriam dit "J'ai encore un peu l'esprit ailleurs sur un problème d'ergonomie que je n'arrive pas à résoudre mais je vais sortir ça de ma tête le temps de cette réunion pour être pleinement disponible".

Support logiciel d'animation et d'historisation de la réunion de triage en holacratie (outil GlassFrog)

Support logiciel d'animation et d'historisation de la réunion de triage en holacratie (outil GlassFrog)

Vient ensuite le moment de faire la revue de la check-list qui consiste à vérifier des points récurrents qui peuvent aussi bien concerner des rôles en particulier que l'ensemble des membres du cercle. 

Ensuite, on passe à la revue des indicateurs permettant de mesurer à quel point la raison d'être du cercle se manifeste. Suivi du partage des nouvelles sur les projets de chacun mis en visibilité en terme de statut dans le logiciel Holacracy.

On passe ensuite à l'établissement de l'ordre du jour. Le facilitateur invite chacun à inscrire ses sujets à l'ordre du jour, soit directement dans le logiciel Holacracy partagé avec tout le monde et projeté à l'écran, soit par l'intermédiaire du rôle "Secrétaire" (rôle défini par Holacracy qui tient l'historique des décisions prises directement dans le logiciel Holacracy et a le pouvoir d'arbitrer toute interprétation de la gouvernance et constitution en cas de conflit) également présent en réunion.

Aucune explication n'est requise, un simple mot peut suffire. Miriam demande au rôle Secrétaire d'inscrire à l'ordre du jour "Miriam 1". En quelques secondes l'ordre du jour est constitué avec 11 sujets.  Le facilitateur les traite dans l'ordre de son choix, arrive au sujet "Miriam 1" et s'adresse à Miriam : "Miriam, dans quel rôle parles tu et à quel rôle t'adresses tu ?". Miriam : "Dans mon rôle Captain Ergo, je m'adresse au rôle Magicien du Code" (équivalent de développeur). Miriam décrit ensuite la tension qu'elle a éprouvé et propose au rôle Magicien du Code d'exécuter une action permettant de résoudre sa tension. Le facilitateur lui demande ensuite "ok est ce que ça résout ta tension ?" Miriam répond : "Oui". Facilitateur : "Est ce que c'est quelque chose sur lequel tu voudrais compter dans la durée ?" Miriam : "Oui". Facilitateur : "Dans ce cas, je propose que le secrétaire note l'action et l'affecte au rôle Magicien du Code et que tu amènes ta tension en réunion de gouvernance pour pouvoir traiter cette tension de façon durable en clarifiant les autorités, pas juste ponctuellement" (voir paragraphe suivant).

Une fois l'ensemble des points traités, on passe au tour de clôture au cours duquel chacun dispose d'un moment de parole qui lui est dédié (mode "baton de parole") pour exprimer son ressenti sur le déroulement de la réunion. Quand son tour arrive, Miriam dit "J'ai trouvé la réunion utile et je suis soulagée d'avoir pu instruire mon point".

Réunion de gouvernance

Trois semaines plus tard, la réunion de gouvernance qui a lieu tous les mois et dure 2 heures, prend place. On y traite tous les tensions susceptibles de modifier l'organisation ou "structure" du cercle associé. Notamment les rôles du cercle et les règles qui s'appliquent à ces derniers. On appelle ces règles, des  "politiques".

Support logiciel d'animation et d'historisation de la réunion de gouvernance en holacratie (outil GlassFrog)

Support logiciel d'animation et d'historisation de la réunion de gouvernance en holacratie (outil GlassFrog)

La réunion animée par le Facilitateur démarre par le tour d'inclusion comme en réunion de triage. Après avoir traité les aspects logistiques (durée de la réunion, horaire de la pause déjeuner qui entre-coupe la réunion, etc), on dresse l'ordre du jour de la même façon qu'en réunion de triage.

On arrive au point amené par Miriam. Le facilitateur l'invite à faire une proposition. Après tout, on est pas là pour le plaisir de se plaindre mais pour construire l'avenir. Charge donc à Miriam de transformer sa tension en proposition ou de demander une discussion ouverte si elle souhaite avoir recours à l'intelligence collective du cercle. Elle décrit sa tension d'origine et sa proposition qui consiste à ajouter au rôle Captain Ergo, le domaine "Maquette des écrans". Ce qui signifie que elle seule aurait ainsi l'autorité pour définir les maquettes des écrans. Autrement dit, si quelqu'un souhaite réaliser la maquette d'un écran d'une application produite par Dream Software, il devra demander l'autorisation au rôle Captain Ergo directement..

On passe ensuite aux questions de clarification. Chacun peut alors poser une question de clarification au proposeur, donc à Miriam sur ce point. Aucune discussion ou réaction n'est permise, seules les questions de clarification sont autorisées afin de maintenir le bon niveau d'efficacité du processus de gouvernance. Le facilitateur interrompt donc immédiatement toute dérive. Le "proposeur" n'est pas obligé de répondre si il n'a pas la réponse.

Vient ensuite le tour de réaction. Chacun peut à son tour réagir à la proposition sans être interrompu par un autre et sans déclencher de discussion avec une autre personne. Juste après ce tour de réaction, à la lueur des différentes réactions, Miriam prend conscience d'un élément qui lui avait échappé. Elle profite alors de l'étape de clarification et modification pour clarifier sa proposition et l'ajuster en fonction de cette prise de recul dont elle vient de bénéficier grâce aux autres membres du cercle.

Il est temps maintenant de passer au tour d'objection. Chacun a son tour exprime ses éventuelles objections. Tony qui incarne le rôle de Magicien de Code exprime une objection. Le rôle Secrétaire la note.

Le facilitateur décide de tester l'objection identifiée afin de vérifier sa validité. Pour cela il va utiliser une série de questions. Des questions telles que  : "Penses tu qu'adopter cette proposition ferait régresser le cercle ? Si oui, te bases tu sur des faits avérés ou es tu en train d'anticiper l'avenir ?" etc... Tony s’est rendu compte que son objection n'était finalement pas valide (i.e. ne respecte pas les critères de validité d’une objection, définis dans la constitution). La proposition de Miriam consistant à modifier l'organisation à travers l'attribution d'un domaine à l'un de ses rôles est ainsi acceptée en moins de 10 minutes.

Une fois l'ensemble des points traités, on passe au tour de clôture comme en réunion de triage.

La constitution pour règles du jeu

Il arrive à Miriam et ses collaborateurs de ne plus se souvenir des différents leviers dont elle dispose pour modifier l'organisation afin de la rendre meilleure. Elle se repose donc sur la dernière version de la constitution Holacracy en vigueur dans l'entreprise. Cette constitution décrit les règles du jeu et elle confère à chacun un pouvoir précieux pour faire en sorte que chacun puisse exercer pleinement son ou ses rôles en son âme et conscience et en toute autorité dans l'exercice de ces derniers. Afin d'officialiser ce principe fondamental, le patron de l'entreprise a soumis son propre pouvoir à celui de la constitution en signant cette dernière. 

Voici ci dessous un extrait de la constitution pour illustration. Un extrait pas choisi au hasard puisqu'il s'agit de la description du processus de décision utilisé en réunion de gouvernance. Un processus plutôt puissant à mon goût.


3.3.5 Processus de Prise de Décision Intégrative

Le Facilitateur doit conduire le processus de Prise de Décision Intégrative de la manière suivante :

  1. Présenter la Proposition : tout d’abord, le Proposeur peut décrire la Tension, et présente une Proposition visant à résoudre la Tension. Si le Proposeur demande de l’aide pour élaborer une Proposition, le Facilitateur peut autoriser une discussion ou tout autre processus collaboratif pour l’aider. Toutefois, le Facilitateur doit concentrer cette activité seulement sur l’élaboration d’une première Proposition centrée sur la Tension du Proposeur, et non sur la résolution d’autres Tensions ou sur l’intégration des préoccupations des autres dans ladite Proposition.
  2. Questions de Clarification : une fois la Proposition faite par le Proposeur, les autres participants peuvent poser des questions de clarification pour mieux comprendre la Proposition ou la Tension sous-jacente. Le Proposeur peut répondre à chaque question, ou ne pas le faire s’il n’a pas la réponse. Le Facilitateur doit interdire l’expression de toute réaction ou commentaire à propos de la Proposition et empêcher toute forme de discussion. Au cours de cette étape, ou plus généralement à tout moment dans le processus où un participant peut parler, ce dernier peut demander au Secrétaire de lire la Proposition qui a été saisie ou de clarifier la Gouvernance actuellement en vigueur, et le Secrétaire est tenu de répondre à la demande.
  3. Tour de Réaction : lorsqu’il n’y a plus de Questions de Clarification, chaque participant sauf le Proposeur, peut partager à son tour, ses réactions par rapport à la Proposition. Le Facilitateur doit immédiatement stopper et interdire tout commentaire en dehors du tour, toute tentative d’engager les autres dans un dialogue ou tout échange de quelque sorte que ce soit, ainsi que toute réaction à d’autres réactions et non à la Proposition.
  4. Clarifier et Modifier : après le Tour de Réaction, le Proposeur peut partager des commentaires en réponse aux réactions et/ou apporter des modifications à la Proposition. Toutefois, le but premier de toute modification doit être de tenter de répondre au mieux à la Tension du Proposeur et non aux Tensions soulevées par les autres. Lors de cette étape, le Facilitateur doit immédiatement stopper et interdire tout commentaire de la part de quiconque autre que le Proposeur ou le Secrétaire, et les interventions du Secrétaire se doivent d’être limitées uniquement à la saisie de la modification de la Proposition.
  5. Tour d’Objection : ensuite, chaque participant, à son tour, peut soulever des Objections potentielles à l’adoption de la Proposition. Le Facilitateur doit stopper et interdire toute forme de discussion ou de réaction. Le Facilitateur peut tester les Objections comme décrit dans la Section 3.2.5, et doit noter toute Objection valide qui subsiste à la suite du test. S’il n’y a aucune Objection valide, le Secrétaire enregistre la Proposition en tant que Gouvernance adoptée pour le Cercle.
  6. Intégration : en cas d’Objection valide, le Facilitateur doit ensuite faciliter une discussion visant à modifier la Proposition afin de résoudre chaque Objection, une à la fois. Le Facilitateur marque l’Objection comme étant résolue une fois que l’Objecteur confirme que la Proposition ainsi modifiée ne déclencherait plus l’Objection, et que le Proposeur confirme que la Proposition ainsi modifiée répond toujours à sa Tension initiale. Durant la discussion, le Facilitateur doit appliquer les règles d’intégration décrites dans la Section 3.2.6. Lorsque toutes les Objections qui ont été notées sont traitées, le Facilitateur refait un Tour d’Objection afin de vérifier s’il n’y a pas de nouvelle Objection à la Proposition ainsi modifiée.

À retenir

Pour résumer, voici les "points forts" que l'on peut retenir d'Holacracy :

  • La raison d'être de l'organisation, déclinée jusque dans les rôles donne du sens et une orientation.
  • Les anciens managers peuvent retrouver du temps pour mettre à profit leur expertise. Le management des personnes se fait par les processus de triage et de gouvernance qui protègent chacun des jeux de pouvoir pour des prises de décision objectives et éclairées par l'intelligence collective. Raisons d'être, constitution (signée par le plus au niveau de pouvoir de l'organisation adoptant l'Holacracy), processus de triage et de gouvernance évitent toute anarchie (au sens péjoratif du terme).
  • Les modifications d'organisation (rôles, politiques, etc) sont déclenchées par les tensions apportées par les collaborateurs. Ce qui rend ces modifications pragmatiques car basées sur les faits et non des interprétations ou projections sur l'avenir.
  • Chaque collaborateur apportant une tension est encouragé par les processus Holacracy à proposer une solution plutôt qu'à se plaindre et risquer de s'enliser dans un rôle de "victime" attendant son "sauveur" (l'entreprise, un manager, etc).
  • Les prises de décision d'organisation sont rapides, du fait qu'on ne recherche pas un consensus mais à traiter uniquement les éventuelles objections qu'une décision susciterait. Une objection qui doit quant à elle être valide selon des critères clairs et pertinents. 
  • La périodicité des réunions de gouvernance donne le droit à l'erreur sur une décision de modification d'organisation. Au pire, cette décision provoquera une tension qui sera remontée et traitée lors d'une prochaine réunion de gouvernance. On peut ainsi régulièrement restructurer collectivement l'organisation pour se rapprocher empiriquement de l'efficience au service de la raison d'être.

Différences entre Holacracy et Sociocratie

Si vous avez des notions de sociocratie, vous avez certainement dû observer pas mal de notions ou vocabulaires similaires tels que les cercles, 1er lien, élection et même les processus. 

N'étant ni expert en Holacracy, ni expert en sociocratie, j'ai décidé de recueillir les propos de quelqu'un qui l'est dans ces deux domaines pour éclairer le sujet des différences entre Holacracy et sociocratie. Cet expert est Bernard Marie Chiquet du cabinet iGi Partners que je remercie pour son temps et ses enseignements.

Pour aller droit au but, ce qu'on peut dire pour commencer, c'est qu'une entreprise qui fonctionne en Holacracy est sociocratique mais l'inverse n'est pas vrai. Et on peut dire aussi, pour rendre à César ce qui appartient à César, que parmi les sources d'influence de l'Holacracy, il y a la sociocratie.

La différence fondamentale, c'est qu'un fonctionnement en Holacracy d'une entreprise ou entité d'entreprise débute lorsque son "patron" ou "patronne" soumet son pouvoir à celui de la constitution Holacracy. Constitution qui élimine la hiérarchie. Là où la sociocratie en tant que telle (si on écarte les versions dérivées de la source) s'applique sur un modèle hiérarchique (La Sociocracy a été créée et définie par Gerard Endenburg en ajoutant 4 principes de gestion sur le modèle hiérarchique). Et on pourrait presque arrêter la comparaison ici car tout le reste découle de cette différence fondamentale. Autrement dit, même si certains termes sont les même en Holacracie et sociocratie, ce principe fondamentale change radicalement la tournure que prennent les processus ou éléments qui sont derrière ces termes.

On peut cependant ajouter que le concept de Rôle et ces différents composants (Raison d’Être, Redevabilités, Domaines) n'existent pas en sociocratie et celui de tension n’est pas aussi abouti. Des concepts de base puissants en Holacracy. Le processus de prise de décision intégrative est également différent (la notion d’objection est moins claire en Sociocratie par exemple) et ne concerne pas les sujets opérationnels. Pour rappel chaque personne incarnant des rôles a toute autorité pour agir en son âme et conscience en fonction de la raison d'être des rôles associés, elle même inscrite dans la raison d'être de son cercle, elle même inscrite dans celle de son éventuel sur-cercle et ainsi de suite.

Conclusion et autre article pour aller plus loin

Voilà, j'espère que vous avez maintenant une vision plus concrète d'Holacracy même si je n'ai pas abordé l'ensemble de son contenu. Je n'ai par exemple pas parlé de la notion de stratégie en Holacracy. Je ne suis pas non plus rentré dans les subtilités des rôles de 1er et second lien.

Et si vous souhaitez poursuivre votre lecture sur le sujet, voici le lien vers un troisième dans lequel je partage notre retour d'expérience à propos de la mise en oeuvre de l'Holacratie chez Swiss Life.

Amicalement,
Florent

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A propos de l'auteur

Florent Lothon

Expert de terrain en gestion de projet et management d'équipe. Florent fait partie des pionniers dans l'usage des méthodes agiles sur des projets à forts enjeux en France dès 2007. Co-auteur du livre "Devenir une Entreprise Agile".

  • Bertrand dit :

    Bonjour Florent

    Merci pour cet article très riche comme d’habitude !

    Si le prochain article est le dernier, et si votre expérience vous le permet, il serait sans doute intéressant de recueillir, face aux points forts d’holacracy, les freins ou les contraintes de cette nouvelle « technologie ».

    Notamment, même si la « processisation » extrême des réunions est attrayante pour les rendre efficaces, cela ne va-t-il pas à l’encontre du premier principe du manifeste agile : « les individus et leurs interactions plutôt que les process et les outils » ?

    Merci d’avance

  • Bernard Marie Chiquet dit :

    Bravo Florent, ton article est super !
    Bonne continuation et à bientôt.
    Bernard Marie CHIQUET

  • Bonjour Florent,
    J’ai un peu de mal à voir le fonctionnement vis à vis d’une équipe Scrum.
    J’ai l’impression que les rôles séparent très explicitement les redevabilités entre les individus qui vont incarner les rôles.
    Du coup, dans ton exemple, on voit que « Captain Ergo » dispose d’une chasse gardée sur l’ergonomie, et que « Magicien du code » semble cantonné à coder.
    J’ai du mal à comprendre comment cette ségrégation fonctionne avec la notion d’équipe auto-organisée et co-responsable.
    Pour Scrum, il n’y a aucune différence entre les membres, ils sont tous embarqués avec le même et unique rôle et sont tous co-responsables de l’incrément produit.

    Merci d’avance pour tes explications
    Olivier

    • Lothon Florent dit :

      Bonjour Olivier,

      Merci pour ta remarque tout à fait pertinente. En fait on peut faire ce qu’on veut dans le respect des règles du jeu d’Holacracy. Ces règles te permettent aussi bien de créer un seul rôle (« développeur » par exemple) incarné par tous les membres d’une équipe de développement Scrum. Ou l’inverse comme dans mon exemple.

      Le champ des possibles est très vaste avec Holacracy, ce qui lui permet de s’adapter à n’importe quel contexte d’entreprise. Du moment que les principes fondamentaux sont acceptés. En particulier, celui de supprimer la relation hiérarchique entre les personnes.

      J’ai des questions pour toi à mon tour 😉

      Est ce que le fait d’affecter des redevabilités à différents rôles au sein d’une équipe Scrum signifierait forcément qu’elle ne serait pas collectivement responsable ? Et pas auto-organisée ? Sachant que c’est l’équipe elle même qui définit ses propres rôles et redevabilités et qu’elle a une raison d’être commune…

      D’autre part, il est vrai qu’on ne cultive pas les « titres » en agile, on ne développe pas l’expertise mais la pluridisciplinarité. A minima couverte par la diversité des membres de l’équipe et idéalement en faisant en sorte que chaque personne cultive un minimum de compétences diverses (exemple : développement, ergonomie, testing). Mais même dans ces cas là, on devrait pouvoir spécifier des rôles si le besoin s’en fait sentir pour clarifier certaines choses, tout en créant une politique incitant chacun de ces rôles à cultiver différentes compétences. Sans oublier qu’une personne peut jouer plusieurs rôles. C’est même très courant.

      J’espère que tout ça répond au moins en partie à ton questionnement,
      Florent

      • Merci pour tes questions 🙂

        Je précise encore une fois que je découvre Holacracy, donc je risque d’écrire de grosses bêtises.
        Holacracy marque volontairement la différence entre individu et rôle.
        Comme tu le dis, un individu va fréquemment endosser plusieurs rôles et je crois que la clef de ma question est là.
        J’imagine qu’on peut définir une armada de rôles différents dans l’équipe. J’ai en tête une matrice de compétence classique avec les skills « dév » ; « ergo » ; « test » et des niveaux 1 ; 2 ; 3.
        Ainsi, une personne pourrait avoir les rôles « dév niveau 2 » + « ergo niveau 1 » + « test niveau 3 ».
        Alors oui, tu as raison, avec une définition clarifiée de manière itérative des redevabilités, on doit pouvoir arriver à quelque chose d’intéressant. Ca me fait penser à un « working agreement » hyper élaboré qu’on pourrait trouver dans une équipe très mature.
        Le cercle « équipe » porte la redevabilité « créer un produit qui déchire », les différents rôles en portent les déclinaisons « créer un produit hyper bien codé » ; « créer un produit fashion-victim » ; « créer un produit hyper bien testé » mais aussi pour développer l’esprit d’équipe des redevabilités telles que « mentorer les copains qui sont à 1 niveau de moins que moi » ; « chercher le mentorat des copains qui sont à 1 niveau de plus que moi » ; « travailler en pair-programming avec un copain qui a 1 niveau d’écart du mien ».
        Là, ca me fait rêver, je n’ai plus qu’à trouver une équipe prête à tester 🙂

  • JF Barré dit :

    Je ne connaissais pas votre site, je viens de le découvrir via le renvoi qu’à fait BM Chiquet sur linkedin , que je suis avec assiduité. En effet, je suis un convaincu de l’holacratie (cela a été aussi pour moi, la deuxième claque , après avoir aussi eu la claque de l’Agilité (type Scrum),

    Et comme je fais partie d’un grand groupe, J’ai pu voir et participer à la mise en œuvre de ces principes (Agile(scrum) , lean) dans le concret. A la taille d’un projet, ce n’est pas très difficile (avec toujours comme condition première, d’avoir la capacité de créer une équipe solidaire et compétente car sinon quel que soit l’approche, c’est foutu)

    Par contre, quand on passe à la maille de programme et encore plus au niveau des organisations, c’est beaucoup plus coton, mais encore plus important dans des discours de groupe qu’ils veulent tous être Agile.
    Nous avons encore plus besoin de repère commun (voire de rituel) permettant aux différents acteurs de rester justement dans le même sens (raison d’être de l’entreprise). Et c’est en cela que l’holacratie (et ses rituels) est fort car cela donne justement le ciment de fonctionnement de base qui sans ses rituels fait que cela tourne vite pas très rond . Comme pour Scrum avec les cérémonies de base (daily meeting, Review-Démo, Retro, Planning) . Supprimez en une et cela ne tourne pas longtemps.
    Pour l’holacratie, c’est pareil. C’est un tout qu’il ne faut pas négliger.

    De mon coté, nous n’avons pas fait encore le pas de l’holacratie car justement, ces rituels et cette rigueur font peur, alors qu’elle devrait rassurer. Mais l’être humain est complexe, il veut de la liberté mais sans règles …. Hors en groupe et société, il est important d’avoir des règles claires, accessibles, comprises et même parfois précise en cas de contexte plus difficile afin justement d’éviter que les démons reviennent au galop. C’est tout l’intérêt de la constitution , mais qui est aussi vu par certains comme un chose incompréhensible . Eh oui, je répète, l’être humain est complexe et parfois non cohérent surtout en groupe 🙂 . Et ces nouveaux modes de fonctionnement demandent une cohésion et adhésion d’équipe plus forte que nos classiques modes hiérarchiques (mais il faut voir aussi le résultat par rapport à l’énergie dissipée) .

    Justement vos deux articles sont très complémentaires dans ce que j’ai déjà pu lire sur l’holacratie.
    Ils sont Souvent trop courts ou superficiels, que l’on reste sur sa fin , et ensuite , trop longs et complexes, pour capter les débutants. Vous avez trouvé le bon milieu. Et je vais le relayer en interne

    Les questions à creuser que je vois sont sur des éléments plus avancés
    • Comment trouver la bonne maille de création des cercles et leurs interactions. Ayant un passé d’architecte de Système d’information , je pense que nous sommes très proche des critères d’architecture par composant (cohérence maxi en intra composant et minimisation des relations inter composants)
    • Effectivement les principes de la gouvernance de stratégie
    • Sans oublier, la question primordiale des bons principes de conduite de changement pour la mise en œuvre de ce type de mode de fonctionnement dans un environnement complexe de groupes internationaux

    Pour finir, Deux liens de valeur
    • Sur une expérience en court de mise en place de l’holacratie avec un suivi temps réel des difficultés par l’auteur de ce blog akili-management.com et vous verrez, il y en a. Car justement le problème numéro 1 est la réticence aux changements (la peur de l’inconnue) . C’est très bien décrit et très instructif (nous apprenons beaucoup plus par les difficultés :-))
    • Au delà de l’holacratie, il y a un site wiki extraordinaire qui donne une information de détails et de nombreux exemples autour de l’organisation Opal (Teal) une conséquence du livre de F Laloux « Reinventing Organization » : http://www.reinventingorganizationswiki.com

    Au plaisir d’échanger dans le futur

    • Lothon Florent dit :

      Bonjour Jean François,
      Merci pour vos compliments, réflexions, partages d’information et propositions de contenu pour le prochain article. Je vais méditer là dessus 😉
      A bientôt,
      Florent

  • Francois RICHER dit :

    Bonjour,
    articles très clairs. Holacracy en remettant en cause la « nécessité » d’une hiérarchie dans l’exécution apporte une critique très intéressante du leadership et de sa tendance féodale dans les organisations en création (petites) et dans les organisations où les tenants de rôle ont la capacité et l’environnement à monter très vite en compétence. C’est toutefois un peu plus compliqué dans des secteurs où il faut plusieurs années pour être en autonomie sur un livrable qui demande beaucoup d’expertises (le monde n’est pas fait que de logiciel et de numérique : maison, alimentation, moyens de transports,…) et une pensée (éco)système très approfondie. Je pense qu’on a tendance à prendre les propositions sociocraties et holacracy un peu trop comme des méthodes clés-en-main (alors qu’Holacracy parlent bien de système d’exploitation auquel il est nécessaire de rajouter les apps dont l’organisation a besoin).

    • Bernard Marie Chiquet dit :

      Bonjour François,
      Merci pour votre commentaire qui m’inspire une réflexion que je voudrais partager. Mon expérience en Holacracy basée sur 8 années à temps plein et 50+ entreprises dans lesquelles j’ai mis en place cet outil m’amène à penser que Holacracy n’est pas seulement pertinent dans monde du logiciel et du numérique. Je l’ai mis en place dans des surfaces de vente, des restaurants, des ateliers de production… et je dirai que c’est probablement plus facile dans ces environnements, à condition que le consultant *maîtrise parfaitement* l’outil et centre son approche de mise en place sur l’usage et non sur l’apprentissage de l’outil. Je dois avouer que je ne m’attendais pas, en tant que chercheur à ce type de résultat.

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