Découvrez dans cet article une méthode avant-gardiste issue du monde des startups, compatible avec SCRUM qui serait plus que bénéfique aux entreprises traditionnelles afin de valider de façon précise l’intérêt que portent leurs futures audiences à leurs applications.
Lorsque l’on travaille dans une entreprise depuis de nombreuses années, on a tendance à connaître son métier et les process qu’il implique sur le bout des doigts. Cependant, il est parfois difficile de prendre du recul sur les métiers des départements voisins (marketing, DSI, communication). Je dirais même plus, ces départements sont parfois tellement cloisonnés dans certaines sociétés, qu’on ne prend pas forcément la peine de s’intéresser aux métiers et aux besoins des autres.
Pourtant, bien souvent, les projets digitaux ressortent grandis par une communication fluide et une connaissance partagée entre les départements. Connaissance permettant par exemple aux DSI, aux départements marketing et aux parties prenantes de s’assurer ensemble de la bonne direction prise dès le départ d’un projet.
Après avoir créé 2 sociétés innovantes et avoir eu l’opportunité de travailler sur des projets SCRUM au sein d’entreprises traditionnelles, je partage avec vous mon expérience et j’explique, dans cet article, comment l’entreprenariat m’a permis d’être plus efficace lors de la création de projets digitaux.
Ouverture d’esprit
En devenant chef d’entreprise, j’ai dû me former, découvrir, apprendre sur le terrain et à force d’expérience, j’ai acquis les bases du marketing, du commerce, de la communication, de la finance, de la gestion RH, etc. En l’espace de 5 ans, j’ai eu l’immense opportunité de m’ouvrir l’esprit à tous ces domaines qui, auparavant, lorsque je travaillais chez des grands groupes au sein de DSI, ne représentaient pour moi que des noms des départements voisins au sein de l’organisation.
L’ouverture d’esprit que m’a offert l’aventure entrepreneuriale m’a permis de transformer radicalement ma vision d’un produit et des projets. J’ai pu découvrir les tenants et les aboutissants du marketing et comprendre les impacts et les répercutions qu’il avait sur le produit. La façon dont je présentais des projets à mes différents interlocuteurs a considérablement changé également.
Avant de passer par cette phase entrepreneuriale, je sous-estimais l’importance d’une harmonie entre le marketing, la communication et les différents acteurs gravitants et agissants sur la vie d’un projet digital.
Vivre les deux situations m’a permis de mieux comprendre les conflits d’intérêts que l’on rencontre parfois dans des sociétés de taille conséquente. L’intérêt du département marketing est différent de l’intérêt du département communication qui sera différent de l’intérêt de la DSI sur un seul et même produit. Ces points de vue ne sont pas toujours correctement partagés entres les différentes entités malheureusement.
Voici un petit exemple très stéréotypé (veuillez m’en excuser) de divergence d’intérêt : Imaginons qu’une entreprise se lance dans le développement de sa première application mobile.
- Le département marketing souhaite offrir une application mobile à ses clients pour les fidéliser davantage et leur pousser (notification push) plus facilement des informations contextualisées concernant de nouveaux services ou promotions.
- Le département communication voit dans cette même application mobile, un nouveau canal de prédilection pour échanger avec la communauté grandissante autour de la marque.
- Le département digital est quant à lui ravi de franchir, grâce à cette application, un nouveau pas vers la digitalisation et d’innover sur la plateforme devenue en 2016 incontournable: le mobile.
- Enfin, la DSI a comme challenge de monter en compétences sur les technologies mobiles et de transformer son SI afin de répondre aux futurs développements multi-canaux.
Se basant sur ce constat, personne ne se met fondamentalement à la place de l’acteur essentiel que je n’ai volontairement pas encore cité, qui est ni plus ni moins : l’utilisateur final (souvent le prospect ou « client »). Vous allez me dire, l’expression de besoin a été rédigée pour fournir à ces futurs utilisateurs des services adaptés, et que ses fonctionnalités sont censées répondre précisément à des besoins précis récoltés en auditant ou sondant des clients existants.
Malheureusement, les utilisateurs sont souvent laissés pour compte afin de satisfaire les intérêts des différents services. Les applications livrées aux utilisateurs pâtissent de cette mauvaise communication entre départements, elles souffrent de plus généralement d’un manque d’ergonomie ou d’une complexité (expérience utilisateur) sans commune mesure.
La méthode “Lean Startup” m’a appris que pour qu’un projet d’application soit un succès, il est primordial de partager et d’échanger avec l’utilisateur final. Et cela, avant et pendant le processus de développement.
J’en viens donc désormais à vous présenter cette méthode très appliquée chez les startups qui est hautement compatible avec un projet SCRUM, encore très peu répandue au sein des entreprises et qui permettrait à coup sûr de valider la pertinence et l’intérêt entre la demande et la solution.
Découverte de la méthode Lean Startup
La méthode “Lean Startup” est très en vogue dans l’écosystème des startups (à ne pas confondre avec la variante plus connue dénommée “Lean Management”). La méthode “Lean Startup” est utilisée afin de valider au plus tôt la pertinence d’un projet et potentiellement de le faire pivoter dans la bonne direction. La question fondamentale à laquelle la méthodologie permet de répondre est la suivante :
Votre produit résout-il un problème qui vaut la peine d’être résolu ?
Cette méthode pousse à se concentrer avant tout sur le problème, pas sur la solution et donc pas directement sur le produit. Concrètement, en parallèle des sprints agiles, le Product Backlog SCRUM va être alimenté en se plaçant toujours au plus prés des utilisateurs finaux et non au plus près d’une expression de besoin figée et provenant du marketing ou maîtrise d’ouvrage.
J’insiste fortement sur ce point, les méthodes agiles sont connues pour apporter une souplesse et une flexibilité grâce à des itérations. Cependant, une fois que vos sprints agiles sont mis en place, la souplesse et la capacité de pivoter de votre produit ne dépendra au bout du compte plus ou moins que de l’enrichissement ou de la priorisation des stories dans votre Product Backlog. La méthode Lean Startup peut être redoutablement efficace pour vous aider à alimenter et modifier efficacement votre backlog au fur et à mesure des sprints.
Pour mesurer l’importance du problème ou de la souffrance que vivent les utilisateurs, la méthode Lean recommande de parler avec eux, de rencontrer l’audience ciblée le plus possible et le plus souvent possible.
Rencontrez et parlez avec votre audience, dès que vous le pouvez, pour comprendre ce qui leur complique le plus la vie durant leurs activités, quelles qu’elles soient. Ne demandez pas à vos interlocuteurs ce qu’ils veulent mais essayez de mesurer ce qu’ils font et ce qui leur rend la tâche difficile.
Si j’avais demandé aux gens ce qu’ils voulaient, ils m’auraient dit vouloir des chevaux plus rapides.
Henri Ford
Avec cette citation, il voulait dire que personne ne lui a dit: “J’ai besoin d’une voiture” mais il a déduit le problème sous-jacent: les gens souhaitaient se déplacer d’un point A à un point B plus rapidement qu’à cheval.
Essayez d’interviewer le plus de personnes que vous pouvez (20-30 minutes chacun) Itérez et mettez à jour votre discours si nécessaire durant cette période lorsque vous leur présentez brièvement le projet. Ne parlez pas trop. Laissez les gens parler plus que vous et notez tout ce qui pourrait vous aider à identifier un ou des problèmes majeurs. Documentez vos résultats immédiatement après chaque entretien tant que vos pensés sont fraîches. A l’issue de ces entretiens, la ligne directrice ou les fonctionnalités manquantes à votre future application en découleront sans difficultés vous permettant ainsi d’alimenter votre backlog régulièrement.
En quoi Lean Startup peut profiter aux entreprises traditionnelles ?
Les entreprises sont des usines, des poids lourds dont les rouages et les procédures en font parfois des tortues en ce qui concerne l’innovation. Cette lourdeur procédurale ne permet pas souvent aux équipes innovantes et équipes projets d’aller à la rencontre de leurs utilisateurs, d’aller, littéralement, sur le terrain, de découvrir ou redécouvrir la REALITE de leurs métiers.
Les startups ont, quant à elles, cette faculté, grâce à leurs petites tailles et leurs procédures et structurations quasiment non-existantes, d’être au plus près de leurs audiences.
Combien de sociétés, finissent par avaler, racheter des jeunes pousses qui révolutionnent les marchés par leurs innovations ?
Se mettre dans la peau des utilisateurs grâce aux “Personas”
Vous allez me dire, et j’en conviens, que lorsqu’on développe un projet SCRUM à destination de prospects au sein d’une société bien structurée qui n’est depuis longtemps plus au stade de startup, on a rarement l’occasion, ni même parfois la permission, d’aller discuter et rencontrer les utilisateurs finaux sur le terrain. Voici, ci-dessous une technique qui permet de pallier légèrement à cette contrainte :
Elle consiste à se mettre dans la peau des futurs utilisateurs : il s’agit de la technique dite des “Personas”. Utilisée par bon nombre d’agences de design, cette méthode débute par un atelier où l’équipe conçoit 4, 5 profils types d’utilisateurs. L’exercice consiste à catégoriser et segmenter votre future audience en profils, en les triant par âge, catégorie sociale, sexe, fonction etc.
En fonction du secteur d’activité de votre entreprise ou de votre offre, posez vous les questions suivantes pour chacun des profils correspondants à votre audience :
Quels sont leurs objectifs principaux ? Les challenges auxquels ils font face ? etc
Voici ci-dessous, 3 “personnas”/profil type possibles :
- Sylvie Michu, 42 ans, mariée, 3 enfants, assistante de direction, utilise peu son smartphone et télécharge peu d’applications.
- Hugo Thuriaux, 23 ans, célibataires étudiant en histoire de l’art, utilise son smartphone plusieurs fois par jours, addict des plateformes sociales.
- Jean Dumontreux, 38 ans, marié, 2 enfants, consultant en finance, souvent en déplacement, utilise son smartphone entre ses rendez-vous et durant ses déplacements.
Encore une fois, désolé, pour ces exemples plein de stéréotypes mais vous avez ainsi compris l’essentiel de la méthode. Grâce à cette technique, vous pouvez désormais dans chaque cérémonie agile ou atelier de conception fonctionnelle de votre future application, vous placer, vous et vos collaborateurs, dans la peau de ces personnages fictifs, un par un.
Vous serez ainsi au plus près de vos utilisateurs potentiels lorsque vous concevrez votre application et vous pourrez ainsi appliquer les pratiques du “Lean Startup” sans sortir de votre bureau.
Vous remarquerez très vite que cet exercice vous aidera à penser “usage” et “ergonomie” en premier lieu. Grâce à cela, vous augmenterez considérablement l’adoption et la rétention de vos utilisateurs dès la sortie du produit.
Le Lean Startup Canvas pour sécuriser les bases du projet
Plus tôt dans l’article, j’ai cité les conflits d’intérêt qui subsistent généralement entre les différents acteurs et départements vivants autour d’un projet. Voici ci-dessous, un bon moyen d’éviter les tensions en déterminant très tôt une définition commune du projet partagé par toutes les entités et départements de votre organisation.
L’idée est de rassembler, autour d’une même table, les principaux acteurs de chacun des départements au travers d’un atelier/workshop de 3 heures et de les faire travailler sur la création d’un “Lean Canvas”.
Le Lean canvas, utilisé par tous les pratiquants de la méthodologie “Lean Startup”, se compose d’une page et aide à décrire et définir toutes les facettes d’un projet digital. Les aspects communication, déploiement, commercialisation sont pris en compte, ce qui donne à tous les acteurs du projet une vision claire et partagée du futur produit. Avec un Canvas, vous pouvez décrire, concevoir, challenger, inventer et pivoter votre idée de projet quand vous le souhaitez, en quelques minutes.
L’intérêt de la définition du Lean Canvas est qu’il vous force à répondre à des questions et points clés, qui sont principalement les suivants:
- La proposition de valeur (Unique Value Proposition)
- Les fonctionnalités principales (Features)
- Le problème sous-jacent (Problems)
- Le marché (Markets)
- La solution (Solution)
- Les canaux de distributions (Channels)
- Les sources de revenus (Revenue Streams)
- Les typologies de clients ciblés (Customer Segment)
- Les risques externes (External risks)
- Les indicateurs clés (Key performance indicators/Key metrics)
- Les coûts de structure (Cost structure)
- La barrière à l’entrée (Unfair advantage)
Comme vous pouvez le constater, pour répondre à ces différentes questions, tous les acteurs du projet son requis. Les différents départements seront ainsi aménés à partager leurs points de vue et leurs intérêts. Cet atelier de réalisation du Canvas sera le moyen parfait pour fédérer les équipes et éviter des futurs conflits ou incompréhensions liées à une mauvaise communication. Pour rendre cet atelier plus ludique, je vous conseille d’imprimer le canvas en format poster et de le coller sur un mur ou alors de le redessiner en grand sur tableau blanc. Chaque groupe pourra y accoler des posts-it, tout comme sur un Kanban Agile et exposer ses pensées et idées au reste de l’auditoire.
De plus, le format léger du Canvas (une seule page) vous permettra, à l’issue de l’atelier, de facilement le partager ou de mettre à jour vos hypothèses à n’importe quel moment. Cette caractéristique est primordiale, elle vous offre de la flexibilité. Si les discussions et les échanges avec votre audience vous amènent à pivoter légèrement votre projet, la mise à jour du Canvas sera aisé.
Conclusion
Si vous êtes arrivés jusqu’ici dans l’article, vous l’aurez compris, la communication entre les différents départements est déterminante pour donner le plus de chance de succès à un projet. La communication avec sa future audience est également clé pour valider l’intérêt que portent vos futurs utilisateurs à votre projet.
Cela vous permettra à la fois, de minimiser les risques d’échecs mais aussi d’offrir le niveau maximum de satisfaction à l’audience ciblée.
La méthodologie “Lean Startup” est une cousine pas très lointaine des méthodes Agiles, elle est hautement compatible avec la souplesse et la dynamique qu’apporte l’agilité à tout projet. Ainsi, mixer les bonnes pratiques de l’une et de l’autre est un très bon moyen de donner le plus de chances de réussite à votre projet.
Ceci étant dit, je vous souhaite à tous, de très bons projets futurs.
Bonne introduction 😉
Une petite citation d’Eric Ries et Ash Mauria aurait été sympathique pour eux ..
Merci Sébastien. Effectivement, j’ai d’ailleurs « Running Lean » d’Ash Maurya, en exemplaire dédicacé, posé en ce moment sur ma table de chevet comme lecture du soir! Je le recommande fortement à tous les amateurs de la méthodologie Lean Startup. La méthode y est parfaitement bien décrite avec des cas d’utilisation plus que détaillés.
Je mentionne régulièrement mes lectures et leurs auteurs à la fois sur mon blog ou sur Twitter d’ailleurs et Ash Maurya en fait partie.
https://twitter.com/thomasthelliez/status/693072873632743424
http://rocketbootstrapper.com/fr/business-canvas-versus-business-plan-que-choisir/